Saturday, February 12, 2022

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            陆忠德 est un célèbre peintre et calligraphe de Shanghai ayant étudié auprès de professionnels du Musée d’art et du Musée militaire chinois. Il réalise en 1977 cette affiche historique et militaire : 毛主席周总理和我们在一起, mesurant 77x105 cm. Elle est éditée par la 人民出版社 du Jiangsu. Elle illustre une scène réaliste mais imaginaire de 毛泽东 et 周恩来 assis sur la place 天安门, à 北京. Ils semblent avoir une réunion paisible avec les 红卫兵. La présence des gardes rouges implique une temporalité comprise entre 1966 et 1968. Ce mouvement a pour berceau, l’Université de Pékin, lorsqu’un un enseignant encouragea les étudiants à se rebeller contre le président « bourgeois antirévolutionnaire » de l’Université. Il prend de l’ampleur, trois mois plus tard, durant des manifestations sur la place Tian’anmen. Rassemblements organisés par le parti, qui mobilisent les jeunes et s’attaquent à la base, à l’aile droite du Parti. Lors de l’une d’elles, le 18 août 1966, Mao portera le brassard des gardes rouges et 林彪, en tant que porte-parole de Mao, incitera les gardes rouges à détruire les « Quatre vieilleries » : vieilles idées, coutumes, habitudes et vieille culture. Ce qui se fera en s’attaquant aux non-révolutionnaires. C’est donc l’un des rassemblements de la place Tian’anmen qui est illustré ici, nous garderons pour hypothèse que c’est bien celui du 18 août.

            Pékin, et plus particulièrement cette place, est un lieu symbolique de l’union entre le Parti et les gardes rouges. Des millions de jeunes rejoindront la capitale pour s’allier au mouvement. C’est ce qui explique la composition de ce dessin. Mao est assis en tailleur, au centre de l’image. Il tient d’une main un carnet de notes, dont il semble réciter des passages à une foule de personnes qui l’entourent. Tous les personnages ont l’air très épanouis et très attentifs aux paroles du grand timonier, leurs regards se portent tous sur lui. Le public le plus proche est assis, les individus éloignés sont debout. L’auditoire est composé de jeunes gens, il s’agit certainement principalement d’étudiants. Certains prennent des notes sur des carnets. Zhou est assis en retrait derrière Mao, une position d’assistant, en adéquation avec son statut de premier ministre. Les deux politiciens [dirigeants] portent la tenue militaire, une tenue également portée par des personnes de l’audience, des personnages masculins et féminins. On distingue également des personnages en tenues bleues, qui semblent référer au monde ouvrier. Malgré une distance suffisante entre Mao et les autres personnages pour le rendre visible sur cette image, on observe une réelle proximité avec les jeunes qui sont assis tout proche de lui. 

Le sol blanc visible à ses pieds permet un grand contraste avec sa tenue. Il apparaît le personnage le plus visible de l’œuvre, tant par la masse colorée de vert de sa tenue, que par les dimensions de son corps qui pourraient avoir été exagérées pour accentuer son importance. Au premier plan, ainsi qu’à l’arrière de la foule, de nombreux drapeaux rouges flottent et/ou sont brandis. Encore au premier plan, on peut voir un mégaphone portant une étoile rouge, un outil de manifestation symbole de révolution. La porte Tian’anmen est visible en arrière plan, du côté droit. Elle surplombe la rencontre. D’autres éléments typiques de ce lieu sont reconnaissables sur cette affiche : au premier plan, la petite colonne blanche ornant une balustrade, ou également la grande 华表 colonne ornementale en arrière-plan. A côté de cette colonne, deux lampadaires très lumineux mêlent leur couleur à des feux d’artifice teintés de rouge, pour magnifier un ciel à l’origine sombre.

             Ce dessin réalisé en 1977, soit un an après la mort de Mao, semble nous offrir une rétrospective des évènements de 1966. On ne peut pas affirmer que cette œuvre soit d’un profond propagandisme, cependant nous pouvons mettre en avant le culte de la personnalité, ainsi que la sélection des faits illustrés, car cette relation entre Mao et les gardes rouges ne fut que temporaire. La mise en avant de cette image pourrait être un moyen de mettre au second plan les évènements moins glorieux qui suivront. Mao apparaît donc ici comme une figure paternelle, un enseignant, un guide, mais également comme un ami et une idole des jeunes. La dominante rouge et la dynamique créée par les étendards et les feux d’artifice, évoquent clairement un climat animé et festif. Cette œuvre pourrait avoir pour fonction de louer l’ouvrage général de l’ancien président, et de réconcilier les jeunes et le gouvernement. 华国锋, le président qui lui succéda, avait conscience des erreurs commises durant la révolution culturelle, mais demeurait un adepte de la pensée maoïste. Il est possible que les œuvres militaires aient également poursuivi cette ligne.

             La réalité qui serait, selon moi, voilée par de telles œuvres est la suivante. Après cet évènement, suit le « 红八月 » Août rouge, un grand nombre de membres des « cinq catégories noires » sont persécutés. On peut alors parler de guerre civile, non seulement entre les deux opposés politiques mais également au sein des révolutionnaires eux-mêmes. En 1967, des sous-divisions de gardes rouges se disputent le pouvoir, elles finiront par se regrouper en deux factions. Des troupes militaires sont alors envoyées dans les grandes villes pour s'opposer violemment aux gardes-rouges « gauchistes ». Mao finira par convoquer les principaux chefs des gardes rouges de Pékin et les menacer, afin qu’ils mettent fin au mouvement. Face à eux, il atteste que le pouvoir du nombre, de l’armée de Lin Biao, pourrait facilement éliminer leurs factions. À la suite de cette réunion, l'Armée investit les campus et les gardes rouges sont démantelés. On compte en millions ceux qui sont forcés de partir hors des villes, et leurs chefs sont emprisonnés. Les jeunes révolutionnaires engagés n’étaient plus des alliés de Mao, mais subissaient alors l’oppression du parti et de son armée.

 

1 comment:

  1. Vous avez fait une lecture plutôt fine de cette affiche, en y ajoutant des éléments de contextualisation pertinents. Malgré tout, on relève une propension à projeter sur l'image des choses qui n'y sont pas, à commencer par l'hypothèse que cela ait pu être une réunion réelle. Vous notez l'ambiance détendue d'une discussion presque intime alors qu'en même temps le dessinateur a introduit un feu d'artifice dans le ciel... que personne ne regarde. Vous avez noté la présence d'une diversité d'individus, mais pas celle des militaires. Plutôt que d'échafauder un scénario sur les intentions, il est préférable de vous en tenir à ce que vous voyez pour tenter une interprétation du message que véhicule l'affiche.

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